La nuit ne sait pas
ce que tu fais
des rêves
qu’elle trasporte
vers l’oubli
Marie-José
Christien – Quand la nuit voit le jour
La nuit ! Ténébreuse ! Rêveuse !
Qu’en est-il de mes nuits ? Il y en a qui me fatiguent et m’ennuient.
Enfermée chez moi, je ressens de la solitude. Une solitude épaisse, fade,
lourde me tombe sur la tête comme une brique. Je me sens paralysée. Je pense à
l’éphémère de la vie. Les ombres telles des fantômes me font peur. Je vis dans
un huis-clos comme une araignée emprisonnée dans sa propre toile. La nuit,
avait dit un romancier que je connais bien, est faite pour les caresses ;
il faut bien caresser une main ! Alors quand on est seul, l’écriture sert
de refuge. A défaut d’une main, on caresse un crayon. Belle parole, ma
foi ! J’ai beau le faire, la solitude m’écrase.
Il y a d’autres nuits aussi, un peu plus légères. Le huis-clos s’ouvre
petit à petit et me laisse entrevoir un peu de lumière. Une lueur d’espoir est
née quand je pense à des choses réconfortantes. Tiens, par exemple, mon
armoire. Et si j’essayais mes vieux vêtements ? Et si je me
maquillais ? Je pourrais me réinventer, rebondir, même danser. J’essaie ma
paire de chaussures de tango. Je me sens plus grande, plus haute, plus
aérienne. Mon chat me regarde abasourdi, mais qu’est-ce qui lui arrive d’un
coup ? Et puis, il s’habitue à ma nouvelle humeur, et n’y prête plus
attention. Cela me rassure, mon chat croit en moi. Sa surprise initiale donne
lieu à un sentiment d’apaisement, de gratitude. « Oui, allez, danse, ma
vieille, dans ma petite, si cela te chante ! ».
Elle est vicieuse la nuit.
Comme une scène de théâtre vide, sans lumière. Les spectateurs et les acteurs partis, les personnages de la pièce rôdent, pâles, seuls, comme ensevelis dans une tombe sans air. Et puis, un technicien, pressé de partir, appuie sur un bouton par inadvertance, et une partie de la scène s’illumine. Un faisceau de lumière éblouit un des figurants de l’œuvre qui tardait à quitter la salle. La lumière l’agrandit, le tire vers le haut, le fait rêver, oui, le fait rêver du rôle principal, celui du protagoniste, le pousse à rêver même d’autres pièces, d’autres pays et contrées.
Il joue pour lui alors, en absence du public. Il joue le rôle d’un scénario
qui n’a pas encore été conçu. Or son improvisation, il le sait bien, n’est pas
une répétition, mais la représentation de la vie, c’est ça aussi la vie, une
forme d’existence qui est en train de voir le jour.